JE VOIS, MAITRE, QUE VOUS AVIEZ AUSSI BEAUCOUP DE CHOSES A DIRE SUR CETTE NOTION D’UTILITE PUBLIQUE.
Maître Mandessi Bell. Oui car en fait, ce point justifie à lui seul la remise en cause de ces expropriations, et il y en a aussi d’autres mais nous ne sommes pas au tribunal ici.
Une interrogation tout de même en rapport avec la Commission ad hoc mise en place en fin Mai 2022 après les destructions intervenues sur le terrain. En effet, les textes sur l’expropriation au Cameroun prévoient, comme dit précédemment, deux couloirs de gestion des dossiers d’expropriation, selon que le demandeur est un service public de l’État ou appartient à la deuxième catégorie.
Je rappelle par ailleurs qu’une commission d’évaluation, prévue depuis l’Ordonnance n° 74-3 du 06/07/1974. Article 4, avec une autre dénomination dans le Décret n° 87/1872 du 10 décembre 1987 (commission de constat et d’évaluation) doit intervenir :
. spécifiquement en rapport avec des dossiers d’expropriation relatifs à des service publics de l’État (une autre procédure est prévue pour les demandeurs de la 2ème catégorie),
. et précisément après l’arrêté d’utilité publique et non après le décret d'expropriation :
Décret de 1987 :
« Article 3 : (1) Dès réception du dossier (du demandeur d'expropriation), le Ministre chargé des domaines apprécie le bien fondé des justifications du projet.
(2) Lorsqu'il juge le projet d'utilité publique, il prend un arrêté déclarant d'utilité publique les travaux projetés et définissant le niveau de compétence de la commission chargée de l'enquête d'expropriation dite commission de constat et d'évaluation.
Article 4 : La commission de constat et d'évaluation est chargée au niveau national, provincial ou départemental sur décision du ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat :
- de choisir et de faire borner les terrains concernés, aux frais du bénéficiaire,
- de constater les droits et d'évaluer les biens mis en cause,
- d'identifier leurs titulaires et propriétaires,
- de faire poser les panneaux indiquant le périmètre de l'opération, aux frais du bénéficiaire ».
Toutefois, l'on constate que la Commission ad hoc mise en place dans le cadre du dossier d’expropriation de Dikolo :
. ne correspond pas au cas de figure de dossier d’expropriation à la demande d’un service public de l’État,
. est mise en place après l’intervention du décret d’expropriation alors qu’elle doitl'être après l’arrêté d’utilité publique,
. par ailleurs, parmi ces missions figure notamment l’évaluation de biens dont bon nombre étaient déjà entièrement détruits, donc évaluables de quelle manière ?
POUR FINIR, QUELLES SONT LES AUTRES CHOSES QUI VOUS ONT INTERPELÉE DANS CE DOSSIER, MAITRE ?
Maître Mandessi Bell. Les contours pas très clairs, en tous cas pour un œil extérieur, de ce projet d’investissement hôtelier dont le Point de 2017 du Secrétariat Général déjà évoqué, avait entre autres souligné les incessants changements de partenaires présentés par le promoteur du projet hôtelier.
Dans le cadre de ma thèse de Doctorat d’Etat soutenue en France à Dijon, thèse ayant porté sur les transferts de technologie dans l’agro-industrie camerounaise pendant quelques décennies jusqu’à la fin des années 1980, j’ai été amenée à analyser avec une grande précision les schémas de mise en place d’investissements de l’époque qui incluaient souvent :
. en amont, une convention d’établissement fixant les contours des projets et précisant l’investisseur ou les investisseurs effectivement impliqué(s) dans ces projets,
. avec les documents subséquents dont, en aval, les contrats d’assistance technique d’ailleurs assez souvent assurés par le(s) même(s) investisseur(s).
Il est vrai que d’une part, ces schémas ont connu des changements et que d’autre part ici, il ne s’agit pas à proprement parler, directement, d’investissement, le bail lié aux expropriations en amont n’étant que le support foncier du projet d’investissement projeté.
Cependant, en l’état des informations accessibles, ce principal déclencheur du tsunami foncier et social créé à Dikolo pose quelques interrogations compte tenu du profil de l’investisseur, la société IBC SARL dont l’œil extérieur voit peu d’éléments de la colonne vertébrale de l’investissement hôtelier lié à son double engagement de « construction et d’exploitation d’infrastructure hôtelière de 5 étoiles dénommée ‘’Marriott Douala’’ » :
. notamment, on relève d’abord avec curiosité que cette société à responsabilité limitée unipersonnelle (Sarlu) dont la simple adresse postale indiquée dans le bail en guise de siège social est d’ailleurs en fait une boite postale tierce, et qui a un montant de capital sans rapport avec le profil de l’investissement envisagé :
______- s’engage dans le bail emphytéotique, à payer à l’Etat du Cameroun 131.650.000 de Frs
______ CFA chaque année, révisable tous les 5 ans, ce, pendant 50 années consécutives,
______- mais curieusement, elle n’a pas les moyens, au démarrage du projet, d’acquérir dans
______ les conditions de droit commun et sans tous ces remous fonciers et sociaux (comme les
______ autres investisseurs hôteliers déjà évoqués), l’assiette foncière nécessaire à la
______ réalisation de son projet hôtelier …,
. on note ensuite que l’objet social de cette Sarlu censée non seulement construire mais aussi assurer l’exploitation de l’hôtel pendant 50 ans n’a rien à voir avec le projet hôtelier envisagé, pas plus que son gérant dont le profil et l’expérience d’investisseur hôtelier, tel Marriott International, reste à voir, alors que ce type de paramètres est très important eu égard à la rentabilité et la viabilité de tels projets, et que la société Marriott International, pourtant mise en avant par lui, n’est pas signataire du bail ni mandante ...
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