Maître Mandessi Bell Bonjour, bienvenue à  cette rubrique apparemment suggérée par vous. Ce sont les expropriations de  Dikolo qui en ont été à l’origine ? 
            Maître  Mandessi Bell. Oui. Les expropriations survenues à Dikolo ayant créé une onde de choc non  encore éteinte d’ailleurs, il était pertinent de mettre ce sujet sur la table  …. 
            MAITRE  MANDESSI BELL, QUE SUSCITENT EN VOUS CES EXPROPRIATIONS INTERVENUES ? 
            Maître  Mandessi Bell. Elles suscitent de la compassion, par rapport aux expropriés, compte tenu des  circonstances particulièrement dures dans lesquelles les déguerpissements et  les destructions sont intervenues, mais aussi, au-delà, certaines  interrogations. 
            QUE  VOULEZ-VOUS DIRE MAITRE? 
            Maître  Mandessi Bell.  En ma qualité de spécialiste du droit foncier, j’ai bien évidement jeté le  regard de la technicienne sur le schéma de ces expropriations. Je suis  fortement interpelée : 
            . d’abord eu égard au profil de la bénéficiaire  de ces expropriations, 
            . et par la violence de l’implacable rouleau  compresseur lors de ces opérations, 
            . en plus du très important point  d’interrogation sur la nature du projet ayant sous-tendu ces  expropriations qui n’est pas, quelles que soient les explications, un  projet d’utilité publique. 
            POUVEZ-VOUS  NOUS EN DIRE PLUS SUR CES TROIS POINTS, MAITRE ? 
            Maître  Mandessi Bell.  Oui. 
            >> S’agissant de la bénéficiaire directe de  ces expropriations 
            La bénéficiaire directe des expropriations  à Dikolo, Bali en Mai 2022 est la société Immigration and Business Canada SARL  (IBC Sarl), société à responsabilité limitée unipersonnelle (SARLU),  bénéficiaire directe car s’étant vue mettre à disposition les terres  expropriées ayant été directement  reversées dans le cadre du Bail emphytéotique du 10 Août 2020 conclu avec l’Etat du  Cameroun apprêté à cet effet, bail lui-même précédé des actes préparatoires des  14.3.2019 et 09.01.2020 tous relatifs à ce « projet hôtelier à  Besseke », à savoir : 
            . l’Arrêté n°000033/MINDCAF/A10 du 14 mars 2019 déclarant d’utilité publique  les travaux de réalisation des projets hôteliers dans la ville de Douala sis au  lieu-dit « Besseke », quartier Bali, dans l’arrondissement de Douala  1er, Département du Wouri, région du Littoral, déclaration d’utilité  publique (DUP) dont le schéma d’expropriation a été concrétisé par  
            . le Décret d’expropriation n°2020/0004 du  9.01.2020 qui rappelle très justement   parmi ses points d’appui cette DUP dans la liste des textes qu’il cite, 
            . enfin, le  bail emphytéotique du 10 Août 2020 octroyé, dernière pièce en aval venant  boucler le schéma d’expropriation pour ce projet hôtelier, avec l’engagement de IBC Sarl sur Besseke en ces termes: « Le Preneur envisage de construire et  d’exploiter un complexe hôtelier comprenant   une infrastructure hôtelière de 5 étoiles dénommée  ‘’Marriott Douala‘’, sis à Douala, Département du Wouri, Arrondissement de  Douala 1er, quartier Bali, au lieu-dit ‘’Besseke‘’ … ». 
            La  bénéficiaire de ces expropriations est donc clairement une entité privée, malheureusement non prévue dans la liste des bénéficiaires d’expropriations  pour cause d’utilité publique au Cameroun. 
            Je me permets de rappeler qu’en effet la  Loi n° 85/009 du 4.07.1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité  publique et aux modalités d’indemnisation prévoit en son article 1er  que pour la réalisation d'objectifs d'intérêt général, l'État peut être amené à  recourir à cette procédure susceptible d’être engagée : 
            . directement à la demande des services de  l'État (1ère catégorie de  bénéficiaires), 
            . ou indirectement à la demande des  collectivités publiques locales (départements, communes) des établissements  publics, des concessionnaires de services publics ou des sociétés d'Etat (2ème catégorie de bénéficiaires). 
            Notez bien que les  bénéficiaires de cette 2ème catégorie ont changé entre 1974 et 1985.  En 1974, les sociétés d’économie mixte étaient incluses dans ces  bénéficiaires : Ordonnance n° 74-3  du 06/07/1974. Art. 10. « Avant le  recours à l'expropriation pour cause d'utilité publique en faveur des communes,  établissements publics, concessionnaires de service public ou société  d'économie mixte en vue de la réalisation des travaux d'intérêt général … », 
            Vous constatez que  par contre les sociétés d’économie mixte sont  exclues de l’article 1er  de la Loi de 1985 que je viens de citer, et ceci est confirmé plus loin à  l’article 16 où il est dit « La  présente loi abroge toutes les dispositions antérieures contraires, notamment  celles de l'Ordonnance n° 74/3 du 6 juillet 1974 », d’où, la logique  exclusion des sociétés d’économie mixte, bénéficiaires dans une précédente « disposition antérieure  contraire » du texte de 1974 .  
            Si  donc les sociétés d’économie mixte, structures réunissant des partenaires  publics et privés, ne font donc plus partie des bénéficiaires d’expropriations,  à quel titre IBC SARL, société purement privée peut-elle être bénéficier  d’un schéma d’expropriation pour la réalisation de SON projet hôtelier ? 
                 
              En  plus des textes limpides rappelés,  vous voyez que les diverses sources citées (y compris le Ministère de la  justice) convergent TOUTES vers la même acception de la notion d’utilité  publique. Se sont-elles réunies en assemblée générale pour brûler au bûcher  « certains projets » ? 
            Pour finir sur ce point, je rappelle donc  tout simplement, une fois de plus, ce qui est applicable : la cession  forcée d’un bien objet de propriété privée est tout à fait possible au  Cameroun, mais doit avoir pour justificatif la nécessité de réalisation d’un  objectif d’intérêt général, raison de l’utilisation des termes consacrés «  expropriation pour cause d’utilité publique ». Si le profil du projet ne  respecte pas cette « conditionnalité », les conséquences corrélatives  doivent en être tirées sans arguties et glissades argumentaires ici et là. 
            Il  appartient à l’Etat de faire extrêmement attention en ce domaine, avec des  arbitrages rigoureux, en prenant en compte les risques de dégâts collatéraux  des désordres sociaux et autres … ainsi que les gros incendies corrélatifs  parfois difficiles à éteindre après, incendies que le Krystal et Onomo n’ont pas  causé simplement parce qu’ils avaient besoin d’une assiette foncière bon marché  pour mettre en place leurs hôtels .… 
               
               
              Suite de l'interview, cliquez ici. 
               
               
               
               
             
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