> Les tendances
L'étude menée atteste du maintien de pratiques en marge des standards et prescriptions du droit Ohada des baux, par mauvaise application ou mauvaise interprétation de ce dernier, telles :
. l'exigence d'une mise en demeure avant des demandes d'expulsion de locataires pourtant déchus de leur droit au renouvellement,
. la demande de résiliation judiciaire de baux non renouvelés dont les locataires ont pourtant été déchus pour absence de demande de renouvellement.
La clause de tacite reconduction peut toutefois être placée sur un grand podium eu égard aux désordres qu'entraîne son inclusion persistante dans les baux Ohada, plus de 10 ans après l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général.
> La tacite reconduction a la vie dure
Ce couteux contentieux dû à une mauvaise interprétation des textes Ohada, et résultant souvent en fait d'un amalgame entre le régime du non-renouvellement et celui de la résiliation des baux , est parfaitement illustré par l'arrêt Halaoui Issam (CCJA Arrêt n°014/2002 du 18 avril 2002, Halaoui Issam Rached c/ La Cie Industrielle de Diffusion et d'Engineering dite CIDE SARL) qui avait emmené les deux parties dans un face-à-face juridique opaque pendant 4 ans (de 1998 à 2002), du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, jusqu'à la CCJA.
Dans cette affaire où était en cause le problème du non-renouvellement d'un bail comprenant une clause de tacite reconduction, la formalité de demande de renouvellement n'avait pas été effectuée « puisque » le bail étant censé être sous le régime de la tacite reconduction, et il était question de savoir en filigrane quels pouvaient être les effets précis de l'inclusion de cette clause, puisqu'en dépendait le maintien ou non de la locataire sur les lieux .
Rappelons que dans le cadre du mécanisme de la tacite reconduction, le bail est censé être reconduit si l'une ou l'autre des parties ne manifeste pas sa volonté d'y mettre un terme, alors que l'article 92 de l'Acte Uniforme Ohada, disposition d'ordre public, prévoit au contraire qu'il ne peut y avoir de renouvellement implicite, le locataire étant obligé de manifester son désir de rester sur les lieux même s'il a droit au renouvellement parce qu'il est en place depuis plus de deux ans et a mené une activité conforme à ce qui avait été prévu dans le bail.
Dans le brouillage de l'orientation des débats juridiques focalisés sur la tacite reconduction maintenu dans cette affaire depuis le niveau de la première instance jusqu'au niveau de la CCJA, cette dernière fait fi du dispositif pourtant d'ordre public du droit Ohada (art. 92) et décide de considérer le bail litigieux comme renouvelé « en l'absence de dénonciation du bail dans les temps impartis »
Les dérapages de ce type se retrouvent dans un certain nombre de décisions de justice :
non prise en compte du caractère d'ordre public de l'article 92 de l'Acte Uniforme sur le droit commercial général :
- Tribunal de Première Instance de Cotonou (Bénin), Jugement contradictoire n°011/ 1ère C. Commerciale du 19 mai 2003, Ets CEDIS C / Héritiers AHO Philippe.
Le contrat est la loi des parties. S'il est prévu, dans un bail, que l'intention de résilier le contrat doit être portée par la partie qui en prend l'initiative, au moins trois mois à l'avance à titre de préavis, le non respect des formes prévues par ce contrat par l'une des parties quant à sa durée et sa résiliation fait échec à la notification par le bailleur de l'exploit de non renouvellement du contrat de bail, ce qui entraîne le prononcé de son irrecevabilité.
Il en ainsi, même s'il est prévu, dans l'Acte uniforme sur le droit commercial général que, dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur a droit au renouvellement de son bail à condition de former sa demande de renouvellement par acte extra judiciaire, au plus tard trois (3) mois avant la date d'expiration du bail.
Amalgame et confusion entre le régime du renouvellement et celui de la résiliation des baux commerciaux :
. TPI de Bafoussam, jugement civil n° 23/civ. du 27 décembre 2002, Affaire BONWO Daniel c/ FOTSING Bertin :
Est déchu de son droit au renouvellement du bail commercial le preneur qui ne formule pas sa demande de renouvellement au plus tard trois mois avant l'expiration du bail comme le prévoit l'article 92 AUDCG. Le non accomplissement de ces diligences peut justifier la résiliation judiciaire du bail et l'expulsion forcée du preneur.
. Cour d'appel de Dakar, arrêt n° 144 du 3 octobre 2002, Assad Gaffari c/ Jacques Resk :
Assignation en résiliation de bail contre un preneur n'ayant pas demandé le renouvellement de son bail à durée déterminée et est en conséquence déchu de son droit au renouvellement. Le juge des référés est compétent pour prononcer la résiliation.
Par contre certaines décisions sont exemplaires par leur clarté et leur motivation :
. Cour d'appel de Niamey, Chambre civile, arrêt n° 51 du 3 avril 2002, Amadou Hamidou TCHIANA c/ Michel Elias HADDAD.
En application de l'article 92 de l'acte uniforme sur le droit commercial général, le preneur d'un bail à durée déterminée qui ne fait pas sa demande de renouvellement dans le délai imparti par ce texte est déchu de son droit au renouvellement.
Le refus du bailleur de renouveler le bail ne pouvant s'analyser en une résiliation judiciaire, celui-ci n'est pas tenu de respecter l'article 101 de l'acte uniforme précité qui lui prescrit de notifier son intention aux créanciers inscrits sur le fonds.
Il y a urgence pour un propriétaire d'immeuble de récupérer son bien lorsque le preneur est sans droit ni titre ; cette urgence justifie la compétence du juge des référés.
. CCJA, 2ème Chambre, Arrêt n° 5 du 30 mars 2006, Affaire: Société PONTY SARL c/Société PONTY IMMOBILIERE SA,
L'article 92 de l'Acte uniforme portant Droit commercial général, faisant peser sur le preneur l'obligation de demander le renouvellement du bail par acte extra-judiciaire au plus tard trois mois avant la date d'expiration, le preneur qui a manqué à cette obligation est sanctionné par la déchéance de son droit au renouvellement du bail.
Le juge des référés est compétent pour constater cette déchéance et prononcer l'expulsion du preneur.
Les dispositions de l'article 92 étant d'ordre public conformément à l'article 102 de l'Acte uniforme portant droit commercial général, la clause de résiliation insérée dans le bail ne saurait prévaloir sur les dites dispositions d'ordre public.
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