REVUE DE JURISPRUDENCE
Jurisprudence foncière du Cameroun

OBSERVATIONS SOUS LE JUGEMENT N° 24/2001-2002 DU 28 FEVRIER 2002 DE LA COUR SUPREME DU CAMEROUN. CHAMBRE ADMINISTRATIVE. AFFAIRE : EMAH BASILE & AUTRES C/ ETAT DU CAMEROUN (MINUH)



La rétrocession des terrains à la suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique est un sujet délicat et épineux, pas toujours géré de manière rigoureuse au Cameroun, mais il est vrai pas seulement dans ce pays.

La situation classique de départ est bien évidemment la dépossession de propriétaires compte tenu de la réalisation d'un projet d'utilité publique pas toujours mené à bien comme prévu. Se pose alors la question du sort des terres ainsi mobilisées.

Au Cameroun, les textes successifs sur l'expropriation (*), s'ils incluent un dispositif assez élaboré en ce qui concerne les conditions et les modalités de l'expropriation, s'arrêtent généralement, en ce qui concerne les suites de l'expropriation, à l'indemnisation et sont totalement muets sur la question de la rétrocession. Ce vide juridique ne manque par d'être mis à profit par certains gestionnaires indélicats détournant alors les terres concernées au profit d'« outsiders ».

La question de cette rétrocession est donc demeurée, au fil du temps, réglée au cas par cas, dans le cadre d'une doctrine administrative pas toujours constante ni conséquente. D'où des décisions parfois en « yo-yo » où, après avoir pris une décision, l'administration revient dessus, ce qui donne bien entendu lieu à des contentieux divers. Exemples  :

. Cour Suprême du Cameroun. Chambre Administrative. Jugement n°56/2001-2002 du 29.08.2002. Affaire Ndengue Samuel c/ État du Cameroun (MNUH ) : la Cour conclut à l'irrégularité du retrait d'une rétrocession opérée sans raisons valables,.

. Cour Suprême du Cameroun. Chambre Administrative. Jugement n° 20/2001-2002 du 31 Janvier 2002. Collectivité Ahanda Jean et Autres c/ État du Cameroun (MNUH ). La Cour a, dans ce cas où l'expropriation était intervenue sans indemnisation préalable, jugé que l'acte de rétrocession d'une partie de ce terrain non utilisée ne pouvait être rapporté par le Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat sans raisons, cette décision de rétrocession ayant créé des droits acquis.

Le Décret de 1987 (**) est venu modifier légèrement ce tableau législatif en limitant la durée de validité des actes d'expropriation en ces termes :

« Article 13 : L'arrêté de déclaration d'utilité publique, devient caduc, si dans un délai de 2 (deux) ans à compter de sa notification au service ou organisme bénéficiaire, il n'est pas suivi d'expropriation.

Toutefois, sa validité peut être prorogée une seule fois par arrêté du ministre chargé des Domaines pour une durée n'excédant pas un (1) an. »

Ce texte a innové à son époque en mettant fin à l'immobilisation illimitée de terres supposées être utilisées pour des projets d'utilité publique finalement abandonnés, ou utilisées seulement en partie, avec l'incertitude juridique durable et préjudiciable correspondante génératrice de situations de non-droits aboutissant parfois à des poudrières.

Tout en posant le principe de la durée limitée de validité des décrets d'expropriation, ce texte est donc toutefois demeuré muet sur le problème de la rétrocession (procédure, délais, recours etc.).

Le problème que posait la Collectivité MVOGBETSI d'Etetak dans le jugement reproduit illustre parfaitement ce type de situations instables créées par un gel ou un arrêt des projets d'expropriation accompagné d'une immobilisation prolongée des terres sans véritable remise en ordre juridique rigoureuse ultérieure, laissant donc la porte ouverte à des outsiders, ce que l'Administration a, dans le cas d'espèce, elle-même reconnu. La Chambre administrative en tire les conséquences en procédant au retrait du titre foncier irrégulièrement établi.


ME MANDESSI BELL Evelyne

Avocate au Barreau du Cameroun.

_________________________________

(*) Ordonnance n° 74-3 du 06/07/1974 relative à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation et textes subséquents venus la modifier

(**) Décret n° 87/1872 du 10 Décembre 1987





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