LES INCIDENCES, SUR LA SECURITE DES GARANTIES HYPOTHECAIRES, DU DECRET DU 16 DECEMBRE 2005 AYANT ACTUALISE AU CAMEROUN LES CONDITIONS D'OBTENTION DU TITRE FONCIER

Me Mandessi Bell Evelyne
Avocat au barreau du Cameroun




INTRODUCTION




Le Décret foncier du 16 Décembre 2005 venu actualiser les conditions d'obtention du titre foncier au Cameroun a, il y a quelques années, mis en place des sanctions plus sévères en cas d'irrégularités commises au cours des procédures d'obtention des titres fonciers.

Dans le cadre du régime antérieur, la loi parlait de « retrait de titre foncier ». Dans le texte de Décembre 2005, il est désormais question de « nullité d'ordre public » que le juge peut soulever d'office (donc, sans même y avoir été invité par les plaignants).

Ce « coup de barre à droite » n'est pas sans incidences sur la sécurité des garanties hypothécaires.




RETROSPECTIVE SUR LA SITUATION AYANT DONNE LIEU A UNE REPRESSION ACCRUE DES IRREGULARITES
DANS LES PROCEDURES D'OBTENTION DES TITRES FONCIERS AU CAMEROUN EN 2005





Pourquoi, une répression accrue de ces irrégularités ?

Justificatifs de la sanction de nullité d'ordre public lorsque plusieurs titres fonciers ont été délivrés sur un même terrain

Bien que l'article 35 du Décret n° 76-165 du 27/04/1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier prescrit que toute immatriculation ne doit donner lieu qu'à l'établissement d'un seul titre foncier, et en dépit des sanctions prévues en cas de ventes de biens immobiliers à plusieurs acheteurs, les cas de litiges fonciers dûs à l'établissement de plusieurs titres fonciers sur un même terrain se sont multipliés avec le temps jusqu'à atteindre les proportions alarmantes qui ont amené les autorités à réagir face aux désordres fonciers liés aux demandes de retraits de titres fonciers en cascade dans ces cas, avec les dommages collatéraux correspondants susceptibles d'être causés aux tiers ayant des droits sur les titres fonciers retirés.

Justificatifs de la sanction de nullité d'ordre public lorsque des titres fonciers sont délivrés en violation des procédures prévues ou en dehors de toute procédure

Bien que l'article 1 er du Décret n°76-165 sus-visé pose le principe de base que la propriété immobilière sur un terrain au Cameroun s'acquiert par « l'enregistrement du droit de propriété dans un registre spécial appelé Livre Foncier emportant immatriculation de ce droit et le rendant opposable aux tiers », il a été donné aux autorités compétentes de constater qu'un nombre grandissant de titres fonciers n'étaient pas délivrés en respectant les procédures d'immatriculation prévues ou étaient même délivrés sans en suivre aucune (immatriculations spéciales etc.). Il fallait donc sanctionner plus durement le non-respect des procédures d'immatriculation prévues par les textes en vigueur.

Justificatifs de la sanction de nullité d'ordre public lorsque des titres fonciers empiètent sur des patrimoines domaniaux

Avec la pression foncière de plus en plus forte, l'urbanisation intervient au Cameroun comme dans de nombreux autres pays de manière de plus en plus sauvage et l'occupation des terres de façon de plus en plus anarchique. Les biens du domaine public et du domaine privé des organismes publics ont été particulièrement touchés par ces mouvements fonciers obligeant souvent les autorités compétentes à intervenir après-coup pour dénouer parfois des casse-têtes politiques et sociaux délicats.

Or d'une part aucune politique réellement préventive n'a été appliquée au Cameroun par les propriétaires et gestionnaires publics en matière de protection de ces patrimoines. Si la Loi n° 80-22 du 14/07/1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale prévoyait en son article 7 l'instauration d'un contrôle préventif de l'occupation de ces terrains domaniaux à assurer par des commissions de contrôle et de surveillance à mettre en place , et si son décret d'application publié quatre ans plus tard ( Décret n° 84-311 du 22/05/1984) prévoyait l'installation de ces commissions au niveau des villages et des quartiers, elles n'ont jamais été mises en place. En conséquence, ces patrimoines domaniaux ont continué d'être occupés de manière anarchique, puis purement et simplement inclus dans l'assiette des terrains privés à immatriculer avec la complicité de certains agents fonciers, en comptant sur le fait que une fois les titres fonciers établis, leur remise en cause malaisée en raison du caractère en principe intangible et définitif du titre foncier permettrait de perpétuer la situation irrégulière ainsi cristallisée.

D'autre part, l'on constate que la législation sur la répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale visait essentiellement les occupations irrégulières des terrains relevant du domaine privé de l'Etat (exploitation ou maintien illégal) bien que par ailleurs les biens du domaine public aient été déclarés inaliénables et insusceptibles d'appropriation privée. Les autorités compétentes ont dû constater à maintes reprises l'inclusion de portions plus ou moins larges du domaine public dans des terrains appartenant à des personnes privées. Il a dû en être de même en ce qui concerne les terrains du domaine privé des personnes et organismes publics, ce qui a engendré la mise en place d'une sanction plus sévère de ces appropriations irrégulières.




LES INCIDENCES AU NIVEAU DE LA SECURITE DES GARANTIES HYPOTHECAIRES



Un titre foncier ressemble à un autre et ses imperfections ne sont pas inscrites de manière apparente. Or lorsque la nullité d'un titre irrégulièrement établi sera prononcée, les tiers s'étant fait conférer des droits sur un tel immeuble entrera dans une forte « zone de turbulence », même s'il est vrai que dans certains contextes, les intérêts des tiers de bonne foi peuvent être protégés de ces dégâts juridiques collatéraux (*).

En effet, dans le meilleur des cas, celui où leurs intérêts peuvent être pris en compte en leur qualité de « tiers de bonne foi », il leur faudra faire reconnaître cette qualité et donc engager des frais supplémentaires en justice. Si le procès se prolonge dans le temps comme cela est souvent le cas, ils devront subir les aléas d'un dénouement judiciaire tardif qui peut être en complet décalage avec leur propre échéancier.

Par ailleurs dans les cas de figures où par exemple il y a eu empiètement sur le domaine public en principe inaliénable, quelle solution juridiquement acceptable pourra être rendue en rapport avec l'immeuble hypothéqué ainsi situé ?

Autant d'aléas appelant les créanciers hypothécaires que sont les établissements bancaires à une grande vigilance.

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(*) l'analyse des conséquences de telles remises en cause pour les tiers est l'objet de toute une étude non menée ici.



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